Le rappeur Médine à Toulon
Programmé à la salle l’Hélice anciennement Creps des Lices, le 2 juin dernier, Le rappeur Médine, inclassifiable, comme il se revendique – il n’aime pas qu’on le mette dans une case – a passé plus d’une heure a parler avec des jeunes de la Seyne-sur-mer, de Toulon et ses environs.
Il parle de sa musique, de son style, de l’importance du rap dans sa vie, reportage :
Biographie du rappeur Médine
Par Adib de Sales
Prénom : Médine. Age : 32 ans. Profession : rappeur indépendant. Premier album : 11 septembre. Ville : Le Havre. Signe distinctif : « coupe afro sous la mâchoire ». Musulman. « Quand tu écris ça sur le papier, au départ, personne n’y croit » sourit-il, ses yeux noirs plantés dans les vôtres.
L’émancipation par l’instruction
En 10 années de carrière, Médine possède déjà une discographie impressionnante : il a sorti quatre albums et plusieurs projets intermédiaires. La provocation des débuts a laissé place à un objectif limpide : prôner l’émancipation par l’instruction.
Un programme qui le fait bénéficier d’une aura d’Oracle auprès d’une audience toujours plus grande et variée. Son public écoute ses chansons comme on tourne les pages d’un livre. Il se documente pour saisir toutes les références.
Car comme on ne perçoit pas toute l’émotion d’une peinture au premier coup d’œil, on réécoute les chansons de Médine, encore et encore pour en saisir la profondeur.
Médine le dit lui même : « comme Brassens, je ne fais pas de la musique pour qu’on l’écoute mais pour qu’on la réécoute ». Et à chaque nouvelle prise de son, le même miracle : une idée, une finesse du texte que l’on n’avait pas saisie, tant ses chansons sont denses en sens et en sensations.
L’artiste est militant, le militant est artiste. « Je donne des concerts aux allures de meeting », chante-t-il. Médine n’est pas un saltimbanque, venu divertir : une rareté dans le milieu . Plutôt un « Marchand de réveil au milieu des vendeurs de rêve ».
Médine homme de lettres engagé
Car le Havrais a une ambition : s’inscrire dans la longue liste d’artistes qui, après avoir grandi avec la musique, ont affirmé que la musique pouvait faire grandir.
« Il y a des artistes qui sont engagés pour se faire connaître, des artistes qui sont connus et par ailleurs engagés, lui est l’un des seuls à allier les deux », confie son ami et géopolitologue Pascal Boniface, avec qui il a signé un livre de paix, Don’t Panik, un antidote contre ce choc des civilisations prétendument cousu de fil blanc.
Médine « écrit toute la journée », se considère comme « un homme de lettres au siècle de la mort du texte ». Il se situe « un peu prétentieusement » entre « Kersauson et Césaire ».
Médine un rappeur sensible et authentique
Ce père de deux enfants, Massoud, comme le commandant, Mekka, comme la ville sainte de l’Islam, marié à une Laotienne, fabrique ses albums avec ses amis d’enfance.
Il a participé à l’essor de ce label Din Records et enregistré trois albums dans une ancienne régie de la ville du Havre, où les « boîtes d’œufs sur les murs faisaient tapisserie ».
Au point qu’il fait mine de s’interroger : « comment ne pas trouver le rap romantique ? » « Quand je chante Biopic (une chanson retraçant son parcours, nda), sur scène, j’ai vraiment du mal à me retenir de pleurer ». Médine, rappeur d’authenticité sensible.
Médine a su alimenter sa discographie par des albums certes provocants, mais qui visent à interpeller l’auditeur : 11 septembre : le récit du 11ème jour, Jihad : « Le plus grand combat est contre soi-même », Arabian Panther et Protest Song apparaissent comme de véritables pamphlets musicaux.
L’esthétisme et l’engagement
Le trentenaire a conquis un important public avec ses chansons, mais il voit plus loin : « Avoir un discours engagé, c’est être dans l’esthétisme de l’engagement ». L’un de ses textes, 17 octobre, sur le massacre de manifestants algériens le 17 octobre 1961 à Paris, a été intégré par l’éditeur Nathan dans ses manuels scolaires.
Preuve que derrière ce vœu, il y a des faits. Et il continue : « aux Etats-Unis les artistes « rendent » ce qu’on leur a donné pour faire progresser les gens de leur quartier d’origine.
En France, on s’inspire du son américain mais pas de la méthode, alors que c’est elle qui fera perdurer notre art ». Voilà pourquoi le « cheval de bataille » de Médine est de faire du rap « une passerelle vers les grandes écoles ». Et pierre par pierre, ce pont se construit.
Le rap de Médine dépasse les frontières
En avril 2012, des étudiants de Sciences Po ont accueilli la candidate du Front National Marine Le Pen avec l’un des slogans de Médine : « Don’t Panik ». Preuve que celui-ci « dépasse les frontières du rap ».
L’artiste qui confie ne pas vouloir faire du rap toute sa vie construit dès maintenant un après : une académie d’art, de musique et de sport pour « accompagner des étudiants avec des formations diplômantes ».
Car il en est sûr : « les fléaux de notre société sont la précarité et l’instabilité dans la tête des jeunes ». En cause, « un manque de prise en charge, un désintérêt total pour le savoir ». Une académie « un peu sur le modèle de celle de Platon », pour que « quand j’arrête, je puisse transmettre quelque chose de concret ». Prénom : Médine. Profession : rappeur romantique. Signe distinctif : amour platonique. Adib de Sales
reportage vidéo : Marcel TRIMBOLI
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