Invité du jour : Maître James Turner avocat au Barreau de Toulon / Ordre des Avocats de Toulon évoque la thématique : La procédure de surendettement
Qu’est-ce que le surendettement ?
Le surendettement est une procédure ouverte au bénéfice des personnes physiques de bonne foi qui se trouvent en situation de surendettement, laquelle est caractérisée par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir.
La procédure de surendettement vise à rééchelonner les dettes du débiteur, lorsque cela est possible, et à défaut, lorsque le débiteur se trouve dans une situation irrémédiablement compromise, à l’ouverture d’un rétablissement personnel, avec ou sans liquidation judiciaire selon la consistance du patrimoine du débiteur.
Le rétablissement personnel aura in fine pour effet de conduire à l’extinction des dettes du débiteur surendetté.
Cela s’adresse aux particuliers et aux professionnels ?
Par hypothèse, le surendettement ne s’adresse qu’aux personnes physiques, non professionnelles, et en conséquence, aux particuliers.
En revanche, un entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), pour son patrimoine non affecté à son activité professionnelle, peut bénéficier d’une procédure de surendettement.
Toutes les personnes physiques ne peuvent pas bénéficier d’une procédure de surendettement.
En effet, les personnes physiques, commerçants, artisans, professionnels libéraux, les agriculteurs, dès lors qu’ils peuvent bénéficier d’une sauvegarde, d’un redressement judiciaire, ou d’une liquidation judiciaire, ne peuvent bénéficier d’une procédure de surendettement.
Quand faut-il franchir le pas ?
Le maître mot, comme en matière de procédure collective, est l’anticipation.
Dès lors qu’une échéance de prêt immobilier ou de crédit à la consommation, ou encore un terme loyer, se trouvent en situation d’impayé, il est préférable de saisir la commission de surendettement.
Comment cela fonctionne et à qui s’adresser ?
Pour solliciter le bénéfice d’une procédure de surendettement, il convient de s’adresser à la Commission de surendettement des particuliers de votre département, lesquels se trouvent dans les locaux de la Banque de France.
Une fois cet organisme contracté, est remis un dossier au débiteur, qu’il doit compléter de la manière la plus sincère et exhaustive possible.
Ce dossier doit être accompagné des justificatifs idoines.
Ce dossier a pour objectif de déterminer la situation d’endettement du débiteur, en précisant ses ressources et ces charges, mais également de préciser la situation personnelle du débiteur et les raisons qui l’ont conduit à solliciter l’aide de la Commission de surendettement.
Une fois le dossier complété déposé auprès de la Commission de Surendettement, celle-ci se prononcera sur la recevabilité de la demande, ainsi que sur l’orientation du dossier, à savoir :
- Soit un réaménagement des dettes du débiteur
- Soit vers un rétablissement personnel, avec ou sans liquidation
La Commission de surendettement dispose d’un délai de 3 mois pour statuer sur la recevabilité de la demande du débiteur.
Cela protège-t-il notre patrimoine ?
Compte-tenu des conséquences de la décision de recevabilité à la procédure de surendettement prise par la Commission de surendettement, à savoir notamment une suspension et ou interdiction des voies d’exécution, le surendettement a au moins temporairement pour effet de protéger le patrimoine du débiteur.
La décision de recevabilité a notamment pour effet d’empêcher ou de mettre un terme aux procédures d’exécution dont il pourrait faire l’objet.
Par principe, viendra ensuite l’établissement d’un plan de redressement, établi de manière amiable de concert avec les créanciers, et à défaut par le biais de mesures imposées par la Commission de surendettement.
L’objectif premier du surendettement est d’obtenir un réaménagement des dettes, et l’établissement d’un plan d’apurement, lequel doit être respecté à peine de caducité de celui-ci, en conséquence de laquelle les créanciers seraient parfaitement habiles à reprendre leurs poursuites.
La protection durera tant que le plan de surendettement sera correctement exécuté.
Dans le cadre d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire, laquelle vise à réaliser l’ensemble des actifs mobiliers et immobiliers du débiteur, le patrimoine sera protégé des créanciers.
En revanche, le débiteur n’échappera par à la réalisation de ses actifs, tant mobiliers qu’immobiliers, lesquels seront vendus, non par ses créanciers, mais par son liquidateur, ce de manière amiable et à défaut de manière forcée.
Dans le cadre d’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, il n’y aura en pratique pas de patrimoine à protéger.
Une fois le rétablissement personnel prononcé, et selon le cas, l’intégralité du patrimoine réalisé, les dettes du débiteur seront éteintes.
Les conséquences de l’ouverture d’une procédure de surendettement ?
L’ouverture d’une procédure de surendettement a pour effet de :
- D’interdire ou d’interrompre les mesures d’exécution à l’encontre du débiteur, y compris les procédures de saisie immobilière, sous certaines conditions
- D’interdire le paiement par le débiteur des créances antérieures (sauf les créances alimentaires et les créances locatives ayant d’ores et déjà fait l’objet d’un moratoire accord par le juge), d’accomplir tout acte qui aggraverait sa situation
- D’interrompre les procédures d’expulsion, et rétablissement de l’aide personnalisée au logement
- Rendre plus difficile la résiliation des contrats d’assurance
- Arrêt du cours des intérêts des créances listées dans l’état d’endettement dressé par la Commission de Surendettement
Revers de la médaille, l’ouverture d’une procédure de surendettement entraine l’inscription du débiteur au FICP.
Quelles sont les solutions avant d’en arriver au surendettement ?
Avant d’en arriver au surendettement, plusieurs solutions sont envisageables.
Amiablement, il est parfaitement possible pour le débiteur d’entrer en voie de négociation avec ses créanciers, aux fins d’obtenir des délais de paiement, voire des remises de dettes.
Cette solution est soumise au bon vouloir du créancier, et par hypothèse à aléa.
En matière de crédit à la consommation ou de crédit immobilier, il demeure possible de saisir le Juge des Contentieux de la Protection d’une demande de suspension des crédits.
Les demandes sont-elles systématiquement acceptées ?
La saisine de la Commission de surendettement n’emporte pas automaticité de l’acceptation de la demande.
Dès lors que la procédure de surendettement porte atteinte au droit de propriété des bailleurs et créanciers, certaines conditions doivent impérativement être remplies.
En premier lieu, la procédure de surendettement n’est ouverte qu’aux personnes physiques, pour des dettes non professionnelles, et qui ne peuvent bénéficier d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire prévues au livre 6 du Code de commerce.
En second lieu, il est impératif que le débiteur soit de bonne foi.
En effet, cette procédure ne peut être ouverte qu’une une personne qui a été victime d’un « accident de la vie », tel que perte d’emploi, séparation, maladie, accident…
En revanche, il ne s’agit pas d’un blanc-seing donné au débiteur qui a sciemment multiplié les crédits afin de s’offrir un train de vie inadapté à sa situation financière.
Pas plus ne serait recevable la demande d’un débiteur qui a sciemment multiplié les dettes locatives, et prenant à bail un logement dont le coût était inadapté à ses facultés contributives.
Rien n’est plus normal, il s’agit d’aider les débiteurs malheureux, mais non ceux qui se sont volontairement placé dans une situation de surendettement, qui tentent ensuite d’échapper à leurs créanciers.
Globalement cependant, la Commission de surendettement des particuliers du Var fait preuve de bienveillance, étant précisé que la bonne foi se présume.
Combien dure une procédure de surendettement ?
Deux hypothèses sont ici à envisager :
– Le plan de redressement conventionnel ou les mesures imposées
– Le rétablissement personnel, avec ou sans liquidation
Dans la première hypothèse, par principe, la durée du plan ou des mesures imposées ne peuvent excéder 7 ans.
Il est cependant possible, afin de permettre au débiteur de conserver sa résidence principale, de dépasser cette durée, pour permettre le remboursement de prêts contractés afin d’en faire l’acquisition, ou lorsqu’elles permettent au débiteur de rembourser la totalité de ses dettes, tout en évitant la vente de sa résidence principale.
S’agissant du rétablissement personnel, deux hypothèses sont à envisager :
- Le rétablissement personnel avec liquidation
- Le rétablissement personnel sans liquidation
Dans le cas du rétablissement personnel avec liquidation, la durée de la procédure dépend du temps nécessaire aux fins de procéder à la réalisation des actifs du débiteurs, ce qui est par hypothèse variable suivant la consistance des biens, la volonté du débiteur de réaliser ces actifs…
Le rétablissement personnel sans liquidation est lui bien plus rapide.
En effet, une fois constatée la situation irrémédiablement compromise du débiteur, la Commission de surendettement peut imposer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.
Avez-vous des statistiques locales ?
La Banque de France établit un rapport d’activité annuel, du reste consultable sur Internet.
Etonnamment, pour l’année 2020, l’on a pu constater une baisse des dépôts de dossier.
Il convient cependant de préciser que la situation sanitaire liée au COVID 19, n’y est certainement pas étrangère.
En effet, les dossiers doivent être déposés de manière dématérialisée, tandis que plus aucun rendez-vous n’est accordé au débiteur.
Les débiteurs en situation de surendettement sont très souvent en situation de détresse psychologique, et compte tenu de ces nouvelles modalités pratiques de saisine, ils ne peuvent plus trouver l’oreille attentive dont ils pouvaient bénéficier par le passé.
Toutefois, l’on ne peut exclure que les aides dont bénéficient les entreprises en conséquence de la crise sanitaire ont certainement permis de maintenir nombre d’emplois.
Par ailleurs, les établissements bancaires ont globalement fait preuve de bienveillance à l’endroit de leurs débiteurs durant la crise sanitaire, à l’instar du reste es organismes sociaux et fiscaux, réduisant de fait les procédures collectives et les licenciements corrélatifs.
La Commission de surendettement du Var constate cependant une augmentation des « redépôts » de dossier de surendettement.
Quelle est la situation des créanciers dans la procédure de surendettement ?
Qui dit débiteur surendetté, dit nécessairement créancier.
Les créanciers sont-ils totalement démunis face à leur débiteur qui saisit avec succès la commission de surendettement ?
Une réponse négative s’impose.
En effet, les créanciers, à tout moment de la procédure, sont informés de l’évolution de celle-ci, et peuvent former des recours à l’encontre des décisions rendues par la Commission de surendettement, mais également à l’encontre des décisions du Juge des Contentieux de la Protection statuant lui-même sur les recours formés à l’encontre des décisions de la Commission de surendettement.
Pour le créancier, deux décisions majeures doivent faire l’objet d’un regard attentif, à savoir la décision de recevabilité, ainsi que la décision d’orientation du dossier.
Il est en effet fréquent qu’en cours d’une procédure d’exécution, un débiteur saisisse la Commission de surendettement afin d’y mettre un terme.
Le créancier aura tout intérêt, si son débiteur est de mauvaise foi, à contester la décision de recevabilité.
Ce peut être le cas notamment d’un bailleur, confronté à un débiteur qui, de manière malicieuse, aura multiplié les impayés locatifs de manière illégitime, et tentera de faire échec à une procédure d’expulsion.
S’agissant de l’orientation du dossier, ici encore le créancier a tout intérêt à se montrer attentif.
Il n’est pas exclu que le dossier de son débiteur soit orienté vers une procédure de rétablissement personnel sans liquidation.
Dans cette hypothèse, le créancier, qui aura connaissance d’un actif immobilier malicieusement caché par le débiteur à la Commission de surendettement, et dont la réalisation serait susceptible de le désintéresser.
Emission en partenariat avec l’orde des avocats de Toulon.
Surendettement : des solutions existent avec la Banque de France.
En mars 2021, info83 avait rencontré Christian Fankhauser directeur de la Banque de France Var et Fabrice Phlippoteau responsable du service des particuliers.
Retrouvez leurs explications ici