Cet été, la Maison de la Photographie reprend son cycle autour des grandes figures de la photographie humaniste. Après Robert Doisneau et Willy Ronis, elle expose une soixantaine de clichés représentatifs de loeuvre dEdouard Boubat.
Édouard Boubat (1923 – 1999) étudie dabord à l’École Estienne, dans l’atelier de photogravure entre 1938 et 1942. Il est initié à la photographie, en 1946 , et obtient lannée suivante le prix Kodak. Puis il débute comme reporter pour le mensuel Réalités.
En 1971, il obtient la médaille David Octavius Hill, en 1984, le Grand Prix national de la photographie à
Paris et en 1988, le Prix de la Fondation Hasselblad. Boubat encouragea la création de la première galerie photographique à Paris (Galerie Agathe Gaillard) et fut représenté par elle. Il est aussi représenté par la célèbre agence Gamma/Rapho. Photoreporter juste après la Seconde Guerre mondiale, il est marqué par les atrocités et décide de consacrer son oeuvre à la célébration de la vie. Ce métier lui donne assez de liberté et il multiplie les voyages.
Il a fait également des portraits devenus célèbres de nombreuses personnalités comme Jacques Prévert qui dira de lui : « Boubat, un correspondant de paix ». Sous son objectif on retrouve aussi Gaston Bachelard, Cioran, Robert Doisneau, Jean Genet, Marguerite Yourcenar et beaucoup d’autres. Il sintéresse particulièrement à montrer les moments vides de la vie et en exalter tout le bonheur. Il présente un quotidien dépouillé mais plein de grâce, de poésie et d’une plénitude intemporelle.
« Fermez les yeux, imaginez un chat. Imaginez une présence noire et douce, une certaine qualité de silence, de ruse, de somnolence. Sur cette présence faussement endormie, plantez deux yeux, des yeux clairs, purs, limpides. Des yeux d’ange si vous voulez. Les anges sont aussi malicieux que les chats – et comme eux, ils passent un temps considérable à dormir.
Vous y êtes, vous l’avez ? Un chat noir velours avec des yeux d’ange. Bien. Nous pouvons continuer. A présent, reculez d’un pas ou deux. Trois, quatre mètres ce serait bien. Ne regardez plus le chat. Ne faites pas attention aux moustaches de l’ange. Il faut que ces deux-là – le chat et l’ange – ne se doutent de rien. Maintenant, très vite, vous ouvrez la fenêtre et vous laissez venir. Le plus important dans cette phrase, ce n’est pas le mot ‘fenêtre’, c’est le mot ‘ouvrir’. A partir du moment où vous faites le geste d’ouvrir, tout arrive. J’oubliais : avant la fenêtre, avant même d’imaginer le chat, il fallait ouvrir son coeur – sinon il ne se passera rien, sinon le chat ne viendra même pas vous faire l’honneur de paresser chez vous.
Donc, après ouverture, tout arrive. Dans ce tout, on peut citer des jeunes femmes du Brésil et d’ailleurs, des bonshommes de neige sans domicile fixe, des enfants de Paris et de Chine, des poules du Népal et de Corrèze, des chapeaux, des pains de campagne, des giboulées, des fleurs. Mais on n’en finirait pas de citer.
Tout ce qui arrive rentre dans la pièce, va et vient. Regardez bien : l’ange ouvre un oeil, soulève une paupière. Le chat lève la tête. En un coup de patte il prend tout ça, enfants, femmes, bonshommes de neige, chapeaux, pains, poules, ombres, lumières – il prend sans prendre.
Et maintenant il s’en vont, les deux, le chat et l’ange. Ils portent une petite valise de carton, noire. Sur la valise, une étiquette : ‘Boubat, Edouard, invisibles en tous genres’. Dans la valise, un appareil photo. Voilà. Vous pouvez ouvrir les yeux : tout le monde a disparu. Demeurent les images ».
Christian Bobin, 1996
www.edouard-boubat.fr
Exposition du 7 juillet au 29 septembre 2012
Maison de la Photographie
Rue Nicolas Laugier Place du Globe
83 000 Toulon
Tél : 04 94 93 07 59
Ouverte du mardi au samedi de 12h à 18h
www.toulon.com