Le mardi 7 mai 2013 à 20h30
De Sophocle
Mise en scène Adel Hakim
Avec
Hussam Abu Eisheh
Alaa Abu Garbieh
Kamel Al Basha
Mahmoud Awad
Yasmin Hamaar
Shaden Sali
Daoud Toutah
Scénographie et lumière Yves Collet
Musiques Trio Joubran
Texte arabe Abd El Rahmane Badawi
Texte français Adel Hakim
Poème Sur cette terre texte et voix de Mahmoud Darwich
Traduction Elias Sanbar
Assistant mise en scène Raymond Hosni
Costumes Shaden Salim
Construction décor Abd El Salam Abdo
Collaboration ateliers Jipanco
vidéo Matthieu Mullot et Pietro Belloni
Photos Nabil Boutros
Régie lumière Léo Garnier
Régie son Nicolas Favière
Régie plateau Antoine Raulin
Habilleuse Dominique Rocher
Création mars 2012
Coproduction Théâtre National Palestinien, Théâtre des Quartiers d’Ivry,
Avec l’aide du Consulat Général de France à Jérusalem, du Centre Culturel Français hateaubriand, du service de coopération italien du Ministère
des Affaires Extérieures, du TAM et du Groupe des 20 théâtres en Ile-de-France
LA TERRE ET LE MUR
—
Pourquoi une Antigone palestinienne ?
Parce que la pièce parle de la relation entre l’être humain et la terre, de l’amour que tout individu porte à sa terre natale, de l’attachement à la
terre. Parce que Créon, aveuglé par ses peurs et son obstination, interdit qu’un mort soit enterré dans le sol qui l’a vu naître. Et parce
qu’il condamne Antigone à être emmurée. Et parce que, après les prophéties de Tirésias et la mort de son propre fils, Créon comprend
enfin son erreur et se résout à réparer l’injustice commise.
Adel Hakim
VOYAGE EN PALESTINE
—
Le “Bienvenue en Palestine!” que nous lance dans la navette un des responsables du Théâtre National de Palestine venu nous accueillir à
l’aéroport de Jérusalem balaye d’un coup la triste impression de notre arrivée dans des bâtiments déserts, boutiques fermées, toutes lumières
éteintes; nous sommes un vendredi, jour de shabbat. Il contraste aussi avec le pénible contrôle du départ à Roissy Charles-de-Gaulle effectué
par un personnel israélien parlant à peine le français, rendant la chose d’autant plus délicate. Cette fois-ci le théâtre nous reprend en mains;
nous nous retrouvons en pays de connaissance. Il y aura bien au bout du voyage – c’est notre but – Antigone de Sophocle au Théâtre National de
Palestine, le PTN, à ne pas confondre, si l’on suit le titre français,avec notre TNP national! Une Antigone mise en scène par Adel Hakim; le
spectacle est entièrement interprété en arabe par des acteurs palestiniens. Voyage éclair qui nous immerge sans transition dans un
univers à l’atmosphère particulière; nous tous ici, gens de théâtre, directeurs, programmateurs, journalistes qui formons le petit groupe
venu de Paris, possédons, je suppose, dans un coin de notre tête une image de la ville et de ce qui s’y déroule imprimée par les événements
dont les échos nous parviennent, que nous le voulions ou non, jour après jour. Mais le théâtre, et Antigone, sont bien là aussi.
Lors d’une visite de la ville, la jeune femme du Centre des Études de Jérusalem qui nous sert de guide nous indique un cimetière, là même où Yasser Arafat voulait être enterré.
Devant le refus du gouvernement israélien, il sera inhumé à Ramallah… Tout comme le grand poète Mahmoud Darwich quelques années plus tard…
La sépulture, la terre natale, Mahmoud Darwich : impossible de s’y tromper, nous sommes encore et toujours dans Antigone
telle que l’a imaginée Sophocle, il y a quelques siècles. Le spectacle mis en scène par Adel Hakim lui rendra aussi hommage et justice, sans
que cela paraisse déplacé, tant la chose paraît juste. Nul besoin d’ailleurs dans sa mise en scène de forcer le trait; il lui suffira –
puisque c’est sans doute la chose la plus difficile au monde que d’être dans cette sorte d’humble évidence – de suivre le cours des choses,
celui des mots du poète. Et la parole opère, claire et lumineuse, à travers la voix et le corps des interprètes qui l’assument presque
naturellement, sans fioriture, sans “jeu” serait-on tenté de dire.
Cette parole (soulignée par moments par les sons musicaux du Trio Joubran si cher au coeur à Darwich dont on entend la voix récitant un poème intitulé Sur cette terre), que le public du Théâtre National reçoit de plein fouet, lui aussi totalement concerné et applaudissant instinctivement, non pas à des jeux de scène, mais aux propos des
personnages, Antigone, Hémon… Cette affaire, celle d’Antigone, est la sienne, corps et âme; elle est à l’unisson de celle des interprètes
qu’Adel Hakim met en pleine lumière.
SYNOPSIS
—
OEdipe, autrefois, a régné sur Thèbes. A sa mort, ses deux fils, Etéocle et Polynice, décident de se partager le pouvoir : chacun règnera un an.
Etéocle devient roi, mais au bout de l’année il refuse de céder la place à Polynice. Polynice monte alors une armée avec l’aide des Argiens et
attaque Thèbes. Les deux frères vont finir par s’entretuer. Après cette guerre fratricide, Créon, leur oncle, devient roi. Il décide de donner
tous les honneurs funéraires à Etéocle et de jeter le cadavre de Polynice aux chiens. Antigone s’oppose à cette décision. Elle veut
enterrer son frère Polynice, contrevenant à la loi édictée par Créon.
Créon condamne alors à mort Antigone. Hémon, fils de Créon et fiancé d’Antigone, va essayer de sauver la jeune femme qu’il aime. La tragédie
se noue, le conflit est déclaré entre morts et vivants.
UNE COMPRÉHENSION INTIME DE LA TRAGÉDIE
—
Ce qui m’a frappé, dès les premières répétitions, c’est la compréhension intime, en profondeur, que l’équipe artistique palestinienne – et en
premier lieu les acteurs – avait de l’esprit de Sophocle et de la Tragédie Grecque. D’ailleurs, comme l’a dit un jour avec beaucoup
d’humour Husam Abu Eishah qui interprète le rôle de Créon: “Nous comprenons Sophocle parce que la tragédie palestinienne est beaucoup
plus ancienne que la tragédie grecque”. Compréhension tant sur le plan formel – musicalité, ironie, lyrisme mais aussi simplicité de la langue,
puissance des sentiments – que sur le plan du contenu – connaissance des rhétoriques politiques, du maniement du discours, de la dignité des
rebelles, du sens du sacré, des mécanismes de la répression, des relations hommes/femmes. Il apparaît évident que la situation
palestinienne, au quotidien, rejoint tous les thèmes traités par Sophocle. Le défi lancé par Antigone à l’autorité répressive, associé à
sa décision de mourir au nom de ses convictions, voilà ce qui en fait une figure palestinienne, une représentante de cette jeunesse que l’on
peut croiser tous les jours dans les rues de Jérusalem, de Naplouse, de Ramallah…
“Quand on a vécu comme moi, plongée dans le malheur, la mort n’est pas un malheur” Cette phrase d’Antigone explique à elle seule
une résistance qui dure depuis plus de soixante ans et les actes a priori incompréhensibles de gamins qui jettent, au péril de leur vie,
des pierres sur des chars et des blindés.
Source : Théâtre Liberté Toulon