Deux avocats Toulonnais, Maître Frédéric Peysson et Maître Philippe Barbier, spécialistes dans les ventes aux enchères répondent à nos questions.
Quels sont les différents types de vente aux enchères : La Saisie Immobilière qui nécessite donc un titre exécutoire au bénéfice d’un créancier qui recouvre sa créance par le biais de cette procédure complexe ; la licitation partage. La vente aux enchères d’un bien appartenant indivisément à au moins à deux personnes. La vente par des mandataires liquidateurs dans le cadre des liquidations judiciaires,…
– Explication d’un déroulement (schématique) d’une procédure de saisie immobilière.
– Le déroulement (schématique) d’une procédure de saisie immobilière : Nécessité d’un titre exécutoire (acte notarié ou décision de Justice définitive), garantie hypothécaire grevant le bien, commandement de payer valant Saisie-Immobilière, le procès-verbal descriptif, l’assignation à une audience d’Orientation, la vente amiable, la vente judiciaire,…
– Comment éviter la vente aux enchères de ses biens : Ne pas confondre ralentir et arrêter la vente, le refinancement, le délai de grâce, contester la saisie, les cas de nullité de procédure, la vente amiable du bien, description rapide de la procédure, le surendettement,…
– Le chef d’entreprise peut-il rendre insaisissable son bien immobilier : La déclaration publiée aux Hypothèques et journal d’annonces légales,…
– Qu’est-ce que la prescription biennale : l’acte de prêt hypothécaire, la déchéance du terme, exigibilité suivant l’article L 218-2,…
– Description d’une audience d’adjudication et les conditions pour acheter aux enchères : Les conditions pour enchérir, le déroulement de l’audience, la surenchère, la réitération des enchères,…
Emission enregistrée en partenariat avec l’ordre des avocats de Toulon
INTERVENTION MAÎTRE FREDERIC PEYSSON
1° Quels sont les différents types de Vente Aux Enchères ?
Il y a essentiellement 4 hypothèses qui permettent la vente aux enchères d’un bien immobilier.
- La plus courante qui représente environ 80 % des cas est la vente aux enchères résultant d’une saisie immobilière.
Il s’agit de la situation dans laquelle un créancier, dans la très grande majorité des cas, un établissement bancaire qui a financé, par un prêt l’achat d’un bien immobilier appartenant au débiteur et qui est porteur de ce que l’on appelle un titre exécutoire c’est-à-dire un jugement de condamnation ou un acte authentique de prêt, n’obtient pas de son débiteur le paiement spontané de sa créance, l’exemple type c’est le prêt hypothécaire remboursable par mensualités, sachant que le débiteur est défaillant dans son remboursement.
Une procédure longue et complexe sera mise en place pour parvenir à la vente du bien.
- La deuxième hypothèse concerne les biens qui se trouvent en indivision entre deux ou plusieurs personnes, c’est la situation de biens immobiliers dévolues par succession aux enfants, c’est la situation également fréquente d’époux divorcés qui vont se retrouver indivis d’un bien qu’ils avaient acquis durant leur mariage.
Dans ces hypothèses si l’un des coindivisaires refusent de participer à une vente amiable la loi a prévu une procédure là aussi également complexe, qui va permettre de sortir de cette indivision par la vente aux enchères du bien.
Cette vente est facilement reconnaissable pour ceux qui se sont déjà rendus aux enchères puisque très souvent la mise à prix est affectée d’une possibilité de baisse, ce qui est interdit dans la saisie immobilière, ce qui est un moyen facile de les distinguer.
- Vente de bien appartenant à une personne en liquidation judiciaire
Lorsqu’une personne physique ou morale est en liquidation judiciaire, il appartient au mandataire liquidateur qui la représente de vendre ses biens pour payer les créanciers.
Lorsqu’il y a des biens immobiliers, le mandataire peut avoir recours à une procédure spécifique qui va permettre de vendre ce bien aux enchères après autorisation donnée par un organe de la procédure, le Juge Commissaire.
Dans cette hypothèse également, il y aura la possibilité de baisse de mise à prix.
- Enfin dernière hypothèse, la vente par l’Etat de biens de personnes décédées sans héritier ou avec des héritiers ayant renoncé à la succession
Dans cette hypothèque l’Etat est désigné Curateur à Succession Vacante et dispose d’une procédure permettant rapidement la vente aux enchères du bien immobilier faisant partie de la succession.
2° Comment éviter la vente aux Enchères de ses biens ?
Tout d’abord, il convient de bien distinguer la possibilité de ralentir la procédure de vente de la possibilité de l’arrêter définitivement.
Si l’on souhaite l’arrêter, le plus simple et le plus sûr, c’est malheureusement de payer son créancier.
Ce paiement peut se faire sous réserve de justifier l’origine des fonds pour satisfaire aux exigences de Tracfin soit par des aides familiales, soit par un refinancement bancaire, ce qui est parfois compliqué car l’engagement d’une saisie immobilière a pour effet que le débiteur se trouve inscrit au fichier des incidents de paiement et ne peut plus recourir à un prêt.
La procédure de Saisie Immobilière prévoit une audience spécifique appelée audience d’orientation qui va permettre lors de celle-ci au débiteur d’espérer échapper à la vente aux enchères du bien.
Tout d’abord, il a la possibilité de solliciter du Juge la vente amiable du bien, c’est-à-dire une vente traditionnelle par devant un Notaire, en principe le Juge l’accorde sous réserve de justifier des mandats de vente confiés à des Agences Immobilières.
Toutefois cette vente amiable se fera au sein d’une saisie immobilière, c’est-à-dire qu’elle devra se faire dans un délai prévu par la loi et qu’à défaut le Juge constatant que cette vente n’a pas été régularisée renverra par Jugement la Vente à une Audience d’Adjudication où le bien sera donc vendu aux enchères.
Toujours à cette fameuse audience d’orientation le débiteur va pouvoir solliciter des délais de grâce en expliquant par exemple qu’il attend le financement provenant de la vente d’un autre bien que celui saisi et dont il est propriétaire
Le Juge peut alors lui accorder des délais dans la limite de deux ans conformément aux dispositions des articles 1343 et suivants du code civil.
Ce délai n’est pas systématiquement accordé et il convient de monter un dossier très solide qui démontre la possibilité de régler le créancier dans le délai accordé par le Juge.
Toujours à l’audience d’orientation le débiteur va pouvoir avec l’aide d’un avocat contester le bienfondé de la saisie en démontrant avoir déjà payé la créance ou en démontrant que cette créance est prescrite ou que le bien immobilier n’est pas saisissable.
Les décisions de justice annulant les procédures de saisie-immobilière sont très peu fréquentes.
Enfin, dernier moyen d’arrêter une procédure de saisie-immobilière c’est d’obtenir, avant que la date d’adjudication des biens soit fixée par le Juge, une décision de recevabilité d’un dossier de surendettement, c’est-à-dire que la Banque de France, au vu du dossier déposé par le débiteur, estime que celui-ci se trouve dans une situation de surendettement et la décision de la Banque de France entraine immédiatement la suspension de la procédure de Saisie Immobilière jusqu’à ce qu’un plan d’apurement ait été négocié.
5° Qu’est-ce que la prescription biennale?
La prescription biennale de l’ article L 218-2 du code de la Consommation s’applique dans les relations entre un établissement bancaire et son emprunteur, sachant que la très grande majorité des saisies immobilières sont engagées par des établissements bancaires aux fins de recouvrer le prêt qu’ils ont consenti pour financer l’acquisition d’un bien immobilier.
Cet article précise que “ l’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.”
Petit rappel de la situation.
Rares sont les candidats à l’achat d’un bien immobilier disposant des fonds nécessaires au paiement intégral du prix de vente d’un bien immobilier.
Ils ont donc recours à des prêts hypothécaires qui vont être consentis par un établissement bancaire.
Ces prêts prévoient des modalités de remboursement qui sont classiquement des échéances mensuelles composées d’intérêts et d’une partie du capital.
L’emprunteur va rembourser par échéance mensuelle le plus souvent son prêt sur 10,15 ou 20 ans.
On dit que l’emprunteur bénéficie d’un paiement à terme.
Mais l’acte de prêt prévoit une clause dite “de déchéance de terme” qui permet à la Banque lorsque son emprunteur ne respecte pas le paiement ponctuel des échéances de son prêt, c’est à dire en clair, qu’il cesse le remboursement pendant plusieurs mois, de le déchoir du terme.
Cette déchéance intervient après une mise en demeure addressee par la Banque à son emprunteur afin qu’il règle les échéances impayées et en le menaçant qu’à défaut de réglement il deviendrait débiteur de la totalité du capital restant dû du prêt outre les échéances impayées.
C’est à dire qu’après cette déchéance prononcée par lettre recommandée de la banque, l’emprunteur devra rembourser les 100 000 € ou 200 000 € qu’il reste à devoir à la banque et il devra le faire immédiatement.
C’est la déchéance du terme qui permet la saisie Immobilier car l’emprunteur doit immédiatement une somme très importante.
Toutefois les banques répugnent à engager une procédure de saisie immobilière ou de la mener jusqu’à son terme et s’efforce le plus souvent possible d’éviter cette situation en revenant sur la déchéance du terme.
Or, les dispositions de l’article 218-2 du code de la consommation prévoient que si la banque n’a rien engagé dans les deux ans du dernier paiement effectué par le débiteur, sa créance est prescrite et elle ne peut la recouvrer contre ce dernier.
Toutefois, si pendant ce délai de deux ans le débiteur vient par un courrier reconnaitre sa dette ou effectuer quelques règlements cela est assimilé à une reconnaissance de dette qui va interrompre la prescription.
Cette prescription est soulevée à l’audience d’orientation par l’avocat du débiteur.
INTERVENTION MAÎTRE PHILIPPE BARBIER
II – LES ETAPES DE LA SAISIE IMMOBILIERE VECUES PAR LE DEBITEUR SAISI :
Par hypothèse, la phase précontentieuse s’est déroulée sans résultat
1) Délivrance par huissier au domicile du débiteur d’un commandement valant saisie immobilière visant le titre exécutoire portant une créance liquide et exigible dont le décompte détaillé y est inséré et dont la publication au fichier immobilier sera opérée dans les 2 mois.
2) Passés 8 jours dudit commandement auquel il n’aura pas été déféré par le règlement de la dette, l’huissier instrumentaire, qui s’annonce usuellement pour fixer le rendez-vous, se rend au bien saisi et y pénètre, si nécessaire avec le concours d’un serrurier et de la force publique pour en dresser le Procès-Verbal Descriptif .
3) Dans les 2 mois de la publication du commandement au fichier immobilier, le créancier poursuivant assigne le débiteur à comparaître à l’AUDIENCE D’ORIENTATION du Juge de l’Exécution Immobilière du Tribunal Judiciaire dans le ressort duquel l’immeuble est situé.
4) L’AUDIENCE D’ORIENTATION:
C’est le moment clef de la procédure en vigueur depuis 2006.
Conformément à l’objectif recherché par le législateur de l’époque, c’est celui où créancier et débiteur se rencontrent devant le Juge de l’Exécution pour déterminer l’ « orientation de la procédure » et statuer sur les contestations et demandes incidentes qui ne pourront plus être ultérieurement présentées. Elles doivent l’être par avocat constitué et par conclusions écrites.
Si le débiteur n’a pas constitué avocat et s’y présente seul, il n’est pas recevable en une quelconque contestation et ne peut être entendu qu’en une demande d’autorisation de vendre amiablement son bien qui peut être formée oralement.
Après un délibéré généralement d’environ 2 mois et s’il est justifié des démarches entreprises pour parvenir à une telle vente, le Juge, après avoir d’office vérifié que le créancier est bien porteur d’un titre exécutoire dont découle une créance certaine, liquide et exigible dont il fixe le montant à prendre en compte, fixe les conditions de la vente amiable qu’il autorise le plus souvent et, en fonction de la consistance du bien et de l’état du marché, le prix en deçà duquel le bien ne peut être vendu. Son jugement arrête en outre la date d’audience à laquelle l’affaire sera rappelée, dans la limite maximum de 4 mois, afin de vérifier la réalisation de la vente autorisée par le jugement d’orientation et de sa conformité aux conditions posées.
5) L’AUDIENCE DE RAPPEL :
Si un compromis est intervenu aux conditions imposées mais n’a pu être réitéré devant notaire pour des motifs purement matériels ou administratifs, la loi permet au Juge, sur la demande qui lui en serait faite par le débiteur saisi, d’octroyer un ultime délai supplémentaire de 3 mois au plus à cette fin.
A défaut, le Juge n’a d’autre choix que d’ordonner la vente forcée et de fixer la date à laquelle il sera procédé à l’adjudication.
IV – UN CHEF D’ENTREPRISE PEUT RENDRE UN BIEN IMMOBILILER INSAISISSABLE DU CHEF DES DETTES GENEREES PAR SON ACTIVITE :
1) De droit et sans démarche aucune par application de la loi MACRON dont est issu l’article L. 526-1 du Code de Commerce, s’agissant de sa résidence principale (sans préjudice cependant des effets du cautionnement qu’il aurait souscrit au profit d’un créancier de l’entreprise et en faveur de cette dernière).
2) En régularisant du chef d’autres biens devant notaire une déclaration d’insaisissabilité publiée au fichier immobilier et dans un journal d’annonces légales.
3) En adoptant la forme d’une EIRL (Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée) qui permet d’exclure du champ des poursuites des créanciers de l’exploitation les biens qui n’y sont pas affectés.
VI – AUDIENCE D’ADJUDICATION ET CONDITIONS POUR ENCHERIR PRESCRITES A PEINE DE NULLITE :
– Donner pouvoir à un avocat inscrit au Barreau du ressort du Tribunal Judiciaire tenant l’audience
– Déposer entre ses mains un chèque de banque ou une caution bancaire couvrant 10 % de la mise à prix avec un minimum de 3 000 €
– Lui remettre une attestation sur l’honneur indiquant si l’enchérisseur fait ou non l’objet d’une condamnation à l’une des peines portant interdiction d’acheter un bien immobilier et, s’il s’agit d’une personne physique, si le bien est ou non destiné à son occupation personnelle.
Les incidents d’enchères sont tranchés à l’audience par le Juge de l’Exécution (sur le siège suivant l’expression consacrée) et le cours des enchères est repris sur le champ, le cas échéant, sur la base de l’enchère précédant l’enchère annulée.
VII – REPARTITION DU PRIX DE LA VENTE AMIABLE OU SUR ADJUDICATION :
Bel exemple de déjudiciarisation, elle est assurée par l’avocat poursuivant remplissant alors les fonctions de séquestre-répartiteur au profit des créanciers inscrits et du débiteur saisi.
Les premiers auront été sommés, avant l’audience d’orientation et à peine de perdre leur rang, de déclarer leur créance par avocat constitué.
Le second pourra recevoir le disponible subsistant si le prix n’est pas absorbé en totalité.
Au vu des déclarations et des justificatifs produits à leur soutien, et comme le faisait le Juge aux Ordres sous le régime ancien de la saisie immobilière, le séquestre-répartiteur dresse un projet de répartition dont la notification fait courir un délai de contestation de 15 jours passé lequel, en l’absence de contestation, il requiert et obtient l’homologation du Juge de l’Exécution.
En cas de contestation, il organise une réunion de conciliation et ce n’est qu’à défaut d’accord de répartition amiable que la répartition est finalement dévolue au Juge de l’Exécution qui tient audience pour trancher les contestations non résolues.
Selon les statistiques du Conseil National des Barreaux, 99 % des répartitions de prix s’opèrent de façon amiable.